A l’heure où va bientôt avoir lieu
la consultation électorale la plus importante de notre pays, l’APHG
souhaite dire ses quatre vérités aux candidates et aux candidats qui se
présenteront au suffrage de nos concitoyens.
1) L’Histoire n’est
pas un roman – noir ou rose – y compris lorsqu’elle explore le passé de
la France ou de l’Europe. C’est une discipline exigeante dont la
pratique nécessite de ses producteurs comme des professeurs qui
l’enseignent probité, nuance et maîtrise de la complexité. La Géographie
ne saurait être réduite à un enseignement de problématiques économiques
ou à la connaissance minimale d’une identité territoriale sans aucun
lien avec la recherche universitaire la plus récente ni réflexion sur
l’emboîtement complexe des échelles de référence (du local au global).
2) La recherche en Histoire et en Géographie doit rester libre
car elle a ses propres règles qui excluent de facto les falsificateurs
ou les négateurs du passé comme les nostalgiques des « frontières
naturelles ». Le pouvoir politique n’a pas vocation à imposer une
« histoire et une géographie officielles » ni à sanctionner ou à valider
les résultats d’une recherche qui sera de toute façon toujours
contestée ou « révisée » par le légitime jeu du débat académique.
3) L’Histoire – et la Géographie – ne sont pas des « boîtes à outils » ou des « carquois »
à l’usage des affrontements politiques. Il est en effet très facile
d’utiliser, dans les actuels débats pour la présidentielle, tels ou tels
événements historiques comme autant de flèches tirées contre
l’adversaire. Mais l’Histoire ne peut se réduire à un arsenal
d’arguments ou de slogans pour politiques, « politistes » et
« communicants » en mal de coups d’éclats et de triomphes faciles. D’où
l’importance de permettre au peuple citoyen de déjouer ces mésusages de
l’Histoire en renforçant son instruction et sa culture historique et
géographique.
4) L’Histoire et la Géographie ne peuvent pas être l’apanage des seuls « esprits distingués » et des élites du savoir ou de l’argent. Ce sont en effet des matières
citoyennes qui ont joué hier, depuis l’instauration du suffrage
universel, un rôle essentiel dans la formation du citoyen français et
qui doivent articuler, dès aujourd’hui, la souveraineté nationale et la
concorde européenne accessible par une bonne connaissance du passé de
notre continent. Il s’agit là d’une nécessité si nous voulons rester
vraiment « souverains » en ce siècle où l’isolement, se veuille-t-il
splendide, met en danger les nations
En conséquence, l’APHG demande aux candidats de s’engager sur :
1) Un renforcement de l’enseignement de l’Histoire et de la Géographie
à tous les niveaux de l’enseignement et dans tous les types
d’établissements du cycle Secondaire qu’ils soient généraux,
technologiques ou professionnels. A l’inverse de ce qui a été mis en
œuvre, un effort devra être particulièrement fait en direction des
enfants qui suivent les parcours scolaires considérés – à tort – comme
les moins « prestigieux », car ils seront citoyens comme les autres et
leur voix pèsera autant que celle du bachelier de tel ou tel grand lycée
de centre-ville.
2) Une réorientation des programmes de Géographie
qui devront faire une plus grande place qu’aujourd’hui à l’Europe en
l’abordant sous le double angle géopolitique et régional. Il s’agira à
la fois de faire percevoir l’Europe dans son environnement mondial et
dans son environnement régional, au sens géographique du terme qui est
celui des Etats. Car la vraie prise de décision politique ne se fait pas
au niveau des départements ou des régions. La géographie des Etats
n’est plus du tout enseignée aujourd’hui, y compris celle de la France.
Or, c’est par la conscience nationale que le futur citoyen doit s’ouvrir
à de nouveaux horizons.
3) Une réorientation des programmes d’Histoire qui
devront traiter une part plus importante des événements à l’échelle
européenne : c’est déjà le cas avec l’étude du christianisme médiéval,
de la Renaissance, des Lumières, de la Révolution française ou du
mouvement libéral qui la suit. Il faudra amplifier cette tendance. Il
faudra aussi, et surtout, ne pas jeter un voile pudique sur les
divisions des peuples européens – et notamment sur les multiples guerres
qu’ils ont eues entre eux – car elles sont incontournables dans
l’histoire du continent et elles expliquent, en grande part, notre
faiblesse géopolitique actuelle.
4) Une revalorisation du statut de professeur d’histoire-géographie,
qui passe comme pour les collègues des autres disciplines, par une
augmentation des salaires, tombés aujourd’hui scandaleusement bas par
rapport à ceux qui existent ailleurs en Europe ; mais qui passe aussi,
dans les concours de recrutement, par le renforcement de la part
accordée à l’évaluation scientifique et disciplinaire du futur
enseignant. On ne peut pas en effet demander à un professeur d’enseigner
efficacement l’histoire et la géographie de la France et de l’Europe –
et de les faire aimer – si sa connaissance personnelle de l’une et de
l’autre est approximative, superficielle ou indigente.
Le Bureau national de l’APHG.
© Les services de la Rédaction d’Historiens & Géographes, 09/03/2022. Tous droits réservés.