lundi 5 mars 2018

L’Afrique : un continent émergent ?

Café géographique de Paris, Mardi 30 janvier 2018

Intervenants : Alain Dubresson, Géraud Magrin, Olivier Ninot
Animatrice : Elisabeth Bonnet-Pineau



Après une présentation des trois intervenants, tous géographes spécialistes de l’Afrique et auteurs d’un excellent Atlas de l’Afrique paru aux éditions Autrement en 2016, l’animatrice (EBP) lance le débat en pointant les changements accélérés et d’une ampleur inégalée du continent africain qui sont porteurs autant d’opportunités que de défis.

Propos liminaires sur les thèmes généraux du développement et de l’émergence (Géraud Magrin)
L’atlas qui sert de base à ce café géo n’est ni tout à fait descriptif, ni exhaustif : c’est un atlas à thèmes et à thèse (voire à hypothèses). Le choix éditorial d’aborder l’Afrique dans son ensemble est conforté par la progression des logiques d’intégration, notamment de part et d’autre du Sahara, et par l’existence de nombreuses statistiques à l’échelle du continent dans sa globalité. Cela étant, il faut souligner la diversité, notamment politique, de l’Afrique (54 Etats), ce qui a des implications considérables.
Une des thèses de l’atlas est la diversification croissante des situations au sein de ce continent, tant à l’échelle des pays que des territoires à d’autres échelles. Cette diversification doit être interprétée en écho au sous-titre de l’atlas, « un continent émergent ? ». Le plus important, c’est peut-être le point d’interrogation qui ponctue ce sous-titre.
L’Afrique suscite beaucoup de clichés, certains alimentés par les nombreux manques (routes, argent, etc.) et les grandes peurs occidentales (épidémies, conflits, terrorisme, migrations internationales), d’autres, au contraire, liés à des taux de croissance économique élevés dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période récente (2000-2014), qui laissent penser que le continent est la dernière frontière de la mondialisation grâce à ses ressources naturelles abondantes et à la croissance rapide de sa population. La thématique de l’émergence apparaît ici avec, notamment, l’émergence des marchés intérieurs africains.
Le choix de l’atlas a été de mettre l’accent sur le lien entre les transformations de différentes natures (démographique, économique, environnementale, politique). C’est donc un atlas du développement et de l’intégration à la mondialisation du continent africain. Les prémices de changements profonds en Afrique semblent se traduire en ce moment par une diversification des trajectoires nationales de développement sur ce continent. Sur le temps long, depuis la première mondialisation (XVIème siècle), l’Afrique s’est intégrée dans la mondialisation en exportant d’abord des hommes (traite esclavagiste), puis des matières premières brutes, au bénéfice d’un certain nombre d’acteurs extérieurs et d’acteurs politiques africains et au détriment de la majorité de la population. Le retard de développement de l’Afrique est le produit de cette histoire. Il paraît assez évident, eu égard aux indices internationaux.

Face à cette situation de départ, 5 facteurs principaux du changement peuvent être distingués :
  • La croissance démographique et la transformation du peuplement (densification, urbanisation) créant d’immenses défis de toutes sortes mais aussi l’émergence de marchés.
  • La diversification des partenariats extérieurs (Chine, Inde, autres émergents, etc., à côté des partenaires traditionnels de l’Union européenne et des Etats-Unis) et l’apparition de nouvelles sources de financement des investissements, en lien avec la mondialisation, favorables à la diversification des économies.
  • La croissance des échanges internes grâce aux progrès des infrastructures et de l’intégration régionale (malgré une grande complexité institutionnelle).
  • Les innovations circulant avec l’économie mondialisée, aux effets parfois inattendus : de nouvelles régulations éthiques pour l’extraction des matières premières permettent par exemple plus de transparence sur le montant des rentes ; l’arrivée des nouvelles technologies comme les NTIC renouvelle certaines pratiques économiques, les échanges, certains services, etc.
  • Des changements politiques en cours (enracinement du sentiment national, processus de démocratisation et de décentralisation, …) en lien avec les changements démographiques et urbains, l’usage des NTIC, la circulation de modèles éthiques mondialisés… même si les changements sont très inégaux selon les pays.
La manière dont les pays et les territoires articulent ces 5 facteurs de changement   explique la diversité des trajectoires africaines de développement.

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