mardi 3 novembre 2020

La fin des aires urbaines en France. L’INSEE propose un zonage en aires d’attraction des villes

 


Le nouveau zonage de l’Insee repose sur le même principe que le zonage en aire urbaine qui datait de 2010 : une aire d’attraction est un pôle d’emploi entouré par une couronne. L'INSEE retient désormais que les mobilités domicile-travail de 15 % des actifs suffisent à déterminer une polarisation. Par conséquent, 95 % des Français vivent dans les aires d’attraction des villes selon cette nouvelle définition.

Ce nouveau zonage ne semble pas tenir compte des critiques qui avaient été formulées à l’encontre du ZAU (Pistre et Richard, 2018). Avec une moyenne de 45 % d’actifs dans la population française, les couronnes périurbaines étaient définies par les mobilités domicile-travail de moins de 20 % de la population d’une commune (40 % de 45 %). Dans ce nouveau zonage, ce sont les déplacements quotidiens (ou pluri-hebdomadaires, avec la généralisation du télétravail) de seulement 6 % de la population d’une commune (15 % des 45 % d’actifs) qui la définissent comme polarisée. Cependant, alors que l'ancien zonage incluait dans les couronnes les communes polarisées par des communes elles-même polarisées, seules les communes polarisées par le pôle urbain sont désormais prises en compte....

La liberté d’expression et la question du blasphème en France

 


La brutalité de l’assassinat d’un professeur d’histoire et de géographie le 16 octobre 2020 rappelle la place centrale de l’éducation dans la capacité d’une société à accepter les différences d’opinion. Le rôle de l’École est ici multiple : continuer à former des citoyens en devenir et les aider dans leur construction d’adultes et d’acteurs ; poursuivre le travail sur les valeurs dans une république laïque sans que cela ne provoque de nouvelles tragédies en continuant d’éduquer à la liberté d’opinion ; empêcher toute récupération politicienne en accompagnant les élèves dans la construction d’un jugement nuancé ; aider à comprendre les mécanismes du fanatisme religieux dans le temps long et pas uniquement dans le temps de l’actualité, plus propice à l’émotion qu’à l’éducation. 

 

Sommaire
  1. Pour travailler sur la liberté d’expression
  2. Dessin de presse et blasphème
  3. Représenter Mahomet
  4. Ressources scientifiques
  5. Sur Géoconfluences

Dernière mise à jour : 2 novembre 2020.

Malgré la sidération qui est celle de l’ensemble de l’École républicaine, nous avons tenté de réunir des ressources sur la thématique de la liberté d’expression.

Pour travailler sur la liberté d’expression

Dessin de presse et blasphème

La liberté d’expression permet à tous les individus de s’exprimer librement « sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » (article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen). Dans les limites liées à la loi, on peut indiquer le fait de porter atteinte à la réputation d’une personne, la discrimination et à la haine à l’égard d’une personne ou d’un groupe à raison de son appartenance religieuse. Ces faits sont des délits. Le blasphème n’existant pas en droit, il ne peut être interdit. Nous sommes dans l’exercice ordinaire de la loi : « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché » (art. 5 de la Déclaration des droits de 1789).

Représenter Mahomet

Si l’islam interdit la représentation des êtres humains en général, de dieu et du principal prophète de l’islam en particulier, cette interdiction s’est limitée à des périodes et à des contextes historiques précis. Cette interdiction de représentation inclut évidemment la possibilité de caricaturer le prophète (une interdiction qui ne s'applique, en dehors des pays de loi islamique, qu'à ceux des musulmans décidant en conscience de s'y conformer),


 

Ressources scientifiques

  • Françoise Lorcerie. « Quelle liberté d’expression religieuse reste-t-il aux élèves ? », in Fatiha Kaouès, Myriam Laakili. Prosélytismes : Les nouvelles avant-gardes religieuses, CNRS Éditions, p. 229-254, 2016.
  • Dominique Avon & Abdellatif Idrissi, « Du Coran et de la liberté de penser », La Vie des idées, 21 octobre 2008.  Résumé : « Il y eut une époque où l’on avait le droit de critiquer l’entourage du Prophète, où les controverses religieuses se faisaient avec une grande liberté de ton, où des érudits musulmans glorifiaient l’athéisme. Aujourd’hui, nombre de débats relatifs à l’islam présentent leur problématique sous la forme d’une unique alternative : l’abandon de la foi ou l’expression intégraliste. Dans cet article, un linguiste et un historien rappellent que deux principes tenus aujourd’hui pour acquis – l’impeccabilité de l’entourage de Muhammad et l’inimitabilité du Coran – se sont établis progressivement. Il s’agit, en d’autres termes, de réconcilier l’Islam, la science des textes et le libre examen. »
  • Mohamed Chérif Ferjani. Le politique et le religieux dans le champ islamique. Fayard, 2005. L’ouvrage rappelle (p. 146 et suivantes) que, comme pour bien d’autres sujets, le texte coranique constitué en 610 et 632 est contradictoire sur la question de la liberté de conscience. S’il contient bien des versets appelant à tuer les impies, fournissant la matière d’une interprétation intolérante de l'histoire, d’autres insistent sur la liberté de conscience : « Dans le deuxième registre, nous trouvons les versets qui rappellent qu'il n'y a « pas de contrainte en matière de religion » (2/256), que « la vérité provient de votre seigneur ; celui qui veut être croyant, qu'il le soit et celui qui veut être incroyant qu'il le soit » (18/29), que « si Dieu l'avait voulu, il aurait fait des humains une seule communauté » (5/48,11/18, 16/93) ; qu'il faut dire aux incroyants « vous avez votre religion et j'ai la mienne », que le Prophète a pour mission de « rappeler » et non de « contraindre » (88/21) et que « si un associateur [polythéiste] te demande l'asile accorde-le lui afin qu'il entende la parole de Dieu » (9/6). »

Sur Géoconfluences

MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales

Françoise Bahoken & Nicolas Lambert (2020) MigrExploreR pour géo-visualiser des migrations internationales, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/9872

Comment explorer/visualiser aujourd’hui une matrice origine-destination décrivant des migrations genrées entre tous les pays du Monde à plusieurs dates ? Vaste sujet… MigrExploreR est une application développée en R et portée sur le web via le package Shiny. Elle permet de représenter par des symboles proportionnels dont il est possible de faire varier la taille, le nombre de migrants (ou de migrantes) dans les différents pays du monde à plusieurs dates. 


Accéder à MigrExploreR :
http://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer/

Sur le bandeau de gauche, la possibilité de sélection porte sur le choix du pays à explorer, sur le genre (hommes, femmes, total) et sur l’année d’observation (de 1990 à 2019). Il est également possible, en cochant la case All Countries, de visualiser une situation d’ensemble.

Cette matrice décrit pour un pays donné, la présence étrangère – et non à proprement parler un effectifs de migrant.e.s. Les migrant.e.s sont des personnes en cours de déplacement (et qui, au moment de l’enquête, ne sont pas encore arrivées à destination finale). Les données ne décrivent en effet pas le voyage réalisé par ces populations étrangères recensées dans un pays autre que celui dont elles portent la nationalité. Il n’est pas possible de savoir par où elles sont passées, quels sont les pays traversés, les routes (terrestres, maritimes ou aériennes) empruntées, quel est le mode de transport utilisé (à pied, en bus, en train, en avion, …), dans quelles localités elles ont résidé pendant leur voyage et avec qui, etc.

Françoise Bahoken, Géovisualiser des stocks comme des flux, Carnet de recherches Néocartographiques, URL : https://neocarto.hypotheses.org/11644

L’idée d’utiliser un globe pour représenter des flux est une question récurrente assez ancienne, renouvelée avec l’avancée des outils permettant de l’examiner encore et toujours.

Accéder à MigrExploreR3 :
https://analytics.huma-num.fr/Nicolas.Lambert/migrexplorer3/


Enseigner la laïcité et les valeurs de la République : quelques propositions

 Enseigner la laïcité et les valeurs de la République : quelques propositions.

Par Marie-Claire Ruiz avec Véronique Desplanque et des équipes de formateurs.

Le site de l’APHG/Historiens & Géographes publie le dossier qui suit. Il ne se veut nullement exhaustif mais a pour ambition d’aider tous les collègues, en complément des ressources publiées, à préparer au mieux le temps d’hommage à Samuel Paty et les cours sur la laïcité et l’enseignement des valeurs de la République. L’APHG se mobilise à travers ses différentes rubriques (notamment « Fenêtres sur cours ») afin de proposer des ressources et des pistes de réflexion.

 

Nous sommes professeurs d’histoire-géographie


 
Vendredi 16 octobre 2020. Un homme est assassiné dans une ville de France. Cet homme avait un nom : Samuel Paty. Cet homme avait un métier : professeur d’histoire-géographie. Le nôtre. Il a été tué parce qu’il était notre collègue et faisait son métier comme nous le faisons. L’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) s’incline humblement devant sa mémoire et nous, professeurs, entourons sa famille, ses proches, ses collègues et ses élèves de toute notre affection. Toutes et tous sidérés, nous vivons aujourd’hui le temps du deuil. Cet acte barbare inqualifiable nous plonge dans l’effroi mais ne nous laissera pas sans voix.

Les questions ne cessent de se bousculer depuis hier soir face à ce crime odieux. Comment continuer à enseigner et à faire aimer ce beau métier aux plus jeunes collègues, qui nous rejoignent ? Comment éviter l’autocensure face à la haine ? Comment éviter les instrumentalisations, qui ne manqueront pas de survenir ? La Justice fera toute la lumière sur les circonstances de ce meurtre ignoble et lâche ; la République le doit à un historien-géographe de métier et à un fonctionnaire de l’Etat.
Au-delà des mots et de l’émotion partagée, l’APHG est convaincue que c’est en redonnant un idéal républicain à toute la jeunesse par l’éducation, le savoir et la tolérance que l’obscurantisme sera vaincu. L’Histoire, la Géographie et l’Enseignement Moral et Civique ne sauraient porter à elles seules cet idéal, constamment à promouvoir, mais ces disciplines y contribuent pleinement, et en première ligne.

Professeur, Samuel Paty l’était, par sa formation intellectuelle et l’exercice d’un métier. L’enseignant d’histoire-géographie est toujours tendu entre deux registres dans son activité professionnelle ; l’histoire et la géographie scientifiques, universitaires, d’une part, et l’histoire et la géographie adossées à la société, dont elle ne peut ni en ignorer les remous, ni éviter d’en ressentir les effets, d’autre part. En 2015, après les attentats, l’APHG a mené des enquêtes auprès des enseignants et a publié des témoignages inédits [1]. Elle a poursuivi ce travail sur le terrain. Nous ne pouvons cacher que des fissures, dont on connaissait déjà la présence, se révèlent plus profondes, répandues, rendant plus criantes encore les situations d’inégalités entre les territoires et les atteintes aux valeurs de la République, notre bien commun. Des groupes multiples et d’intérêts divers, entretenant la confusion des vocabulaires sur la laïcité, la liberté d’expression, la liberté de conscience ou l’enseignement du fait religieux, tentent de plus en plus ouvertement de faire prévaloir au sein de l’Ecole leur point de vue particulier. L’APHG réaffirme avec force l’autonomie des professeurs - la liberté pédagogique -, en ce qui concerne les contenus de l’enseignement. L’enseignant est maître d’ouvrage dans sa classe, dans le cadre strict des prescriptions des programmes pilotés par l’Etat et dans la mesure où ce qui est enseigné s’inscrit dans les limites du consensus scientifique établi par les méthodes de la recherche la mieux informée et renouvelée. La liberté pédagogique est ainsi constitutive de notre école, elle consiste à chercher et dire le vrai, et aucun groupe ne peut s’arroger le droit de dicter ce que nous devons dire et enseigner en classe. C’est en exerçant son métier, par la Connaissance, que le professeur émancipe ses élèves.

Fonctionnaire, Samuel Paty incarnait l’autorité de l’Etat. Le fonctionnaire de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur apporte non seulement à ses élèves des outils intellectuels avec des gestes professionnels précis et adaptés à l’âge de chacun comme au contexte d’enseignement, mais il a pour ambition d’en faire des citoyens libres, respectueux, éclairés, capables de débattre avec des mots ; à l’opposé de toute soumission ou de toute violence physique. Il se pose inlassablement cette question dans l’exercice de son métier : comment faire vivre ensemble, au sein d’une même société, toute notre jeunesse ? Par une notion élaborée par l’Histoire et par l’expérience, la République, qui ne veut ni contraindre, ni exclure, ni construire murs et séparations, a choisi la laïcité. C’est bien dans ce cadre, matrice des libertés fondamentales, celles de croire, de ne pas croire, ou de changer de croyance, que le fonctionnaire agit.

L’APHG tient ainsi à promouvoir un esprit de résistance face à l’obscurantisme et à la terreur.

Nous tenons à affirmer avec la plus grande fermeté notre attachement sans failles à un enseignement qui ouvre les élèves à l’esprit critique et à la liberté du jugement individuel. C’est une condition indispensable à la réalisation d’un régime démocratique et d’une société apaisée.

Cela implique un travail de fond dans les classes à tous les niveaux. Nous avons la conviction que les enseignants continueront à enseigner dans cette direction avec le soutien de l’institution.

Cela nécessite, de la part de l’Etat, d’assurer de manière pérenne les conditions d’exercice de notre métier, de garantir une liberté pédagogique pleine et entière, d’accueillir et d’écouter la parole des enseignants et de renforcer durablement l’enseignement de nos disciplines, porteuses des savoirs fondamentaux de ce qui fait la République.

Comme en 2015, face à cette tragédie qui nous affecte profondément, professeurs, administration, parents d’élèves sont côte à côte, unis dans une même préoccupation – celle de nos élèves et étudiants –, pour garder le cap et inventer un nouveau consensus pour bâtir l’Education nationale de demain.

Nous serons présents lors des rassemblements qui se tiendront dans toute la France aujourd’hui et demain, notamment Place de la République à Paris, dimanche 18 octobre à 15 h, afin de rendre hommage à cette victime du terrorisme islamiste et de dire notre colère, notre indignation et notre détermination face à ceux qui veulent imposer la barbarie.

Nous appelons à un temps de discussion, de recueillement et de pédagogie auprès de nos élèves, en présence des équipes éducatives, lundi 2 novembre, dans tous les établissements scolaires.